Lundi 24 janvier 2022
•••SOUVENIRS•••
L’écologiste attend avec un reste d’espoir que la lenteur pachydermique des états et collectivités
aboutisse un jour à un résultat effectif. C’est long.
en 1973, dans la Gueule Ouverte
Août 1973… Le numéro 10 de La Gueule Ouverte porte cette couverture prémonitoire. Un an après, le Citoyen du Monde René Dumont se présentait aux présidentielles comme premier candidat écologiste.
45 ans plus tard, le combat engagé dans ces années 1970 est perdu. L’écologie a eu beau se construire, s’organiser et tenter d’investir la vie politique, la violence industrielle a eu raison de l’anti-consumérisme, comme l’urbanisation a eu raison du communautarisme qui a longtemps prévalu dans les civilisations. Quand au monde politique lui-même, seule l’urgence le motive réellement.
Bien sûr, la résistance s’est organisée, l’écologie est devenue une préoccupation citoyenne, omniprésente au quotidien, recyclage, tri sélectif et soins au petit dernier, allergique à à peu près tout.
Seulement voilà, la conscience et l’action à l’échelle individuelle n’ont toujours que peu d’impact, comme en témoignent l’évolution des chiffres et globalement celle du mode de vie que nous subissons sans vraiment l’avoir choisi.
Aujourd’hui, dans ce monde urbain qui prédomine désormais à l’échelle de la planète, chacun son électroménager, sa voiture, son téléphone, son ordinateur… Ceux qui ont tout cela ne pourraient plus s’en passer et ceux qui ne l’ont pas le ressentent – à juste titre – comme une injustice.
Si l’Europe et la France avec les Accords de Paris pour le Climat et l’Océan se sont placées au cœur de cette résistance, celle-ci est faible actuellement sur la carte mondiale.
L’écologiste convaincu, celui qui veut en faire plus, trouve peu d’issues hors le militantisme. C’est majoritairement, comme tout Européen moyen, un pollueur du reste du monde. Il s’éclaire et se chauffe grâce au nucléaire, porte des baskets en plastiques non recyclables et un jean qui a nécessité 10 000 litres d’eau à la fabrication. Il remplit chaque semaine ses poubelles d’emballages, d’objets non réparables et de déchets organiques perdus pour la nature. Il roule sur des routes et autoroutes qui contribuent à grande échelle à l’artificialisation des sols. Plus il s’informe, plus il oscille entre refus du système et sentiment d’aliénation.
L’écologiste attend avec un reste d’espoir que la lenteur pachydermique des états et collectivités aboutisse un jour à un résultat effectif. C’est long. En 2005, grand progrès, la Charte de l’Environnement intégrait l’écologie dans la Constitution en lui rappelant ses droits et devoirs, s’il était nécessaire… L’écologiste français fut ainsi moins seul : tout citoyen devenait concerné, comme dans d’autres pays de bonne volonté. En contrepartie, il gagnait le droit constitutionnel inédit de « vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé ».
En 2018, dernier projet en date faisant suite à une myriade de Grenelle, commissions, accords et désaccords, apparut le projet d’un Pacte mondial de l’Environnement, pour des actions transversales et une harmonisation mondiale du droit de l’environnement. Peut-être qu’un jour, par exemple, le Portugal pourra en vertu de ce Pacte se retourner contre le gouvernement espagnol, qui ferme les yeux sur la pollution massive du Tage par des industriels et l’agriculture intensive… Enfin, s’il y a encore de l’eau dans le lit du Tage.
En attendant, la mer est seulement morte par endroits.
Cosima de Boissoudy